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Temps qui changent (Les), d'André Téchiné

Un homme débarque à Tanger, envoyé pour la supervision d’un important chantier. Il sait que c’est là que vit Cécile, celle qu’il aima il y a trente ans. Ils se sont fait souffrir, se sont quittés, ne se sont jamais revus. Cécile est désormais mariée; pour elle la vie a continué, pour lui le temps s’est arrêté lorsque cet amour fut rompu. Cécile...

... n’est pas contente de revoir Antoine, elle l’accuse d’harcèlement, lui ne peut s’empêcher de tenter à tout prix de la retrouver. A côté de ces deux êtres qui se fuient ou se cherchent, il y a Sami, le fils que Cécile a eu avec son mari médecin ; Sami est un jeune homme ambigu, ambivalent, ni tout à fait marocain, ni tout à fait français ; bisexuel, ne voulant pas choisir en Nadia avec qui il vit en France et Bilal qu’il retrouve à Tanger chaque fois qu’il le peut. Pour Nadia qui l’accompagne, les choses ne sont pas simples non plus, elle aimerait rencontrer sa sœur jumelle, mais celle-ci ne veut plus la voir, elle veut rompre ce lien trop fort. Tous ces êtres se croisent et s’entrecroisent, ont des difficultés de communiquer, se parler ne semble pas nécessaire pour les uns, trop important pour les autres, mais ce n’est jamais le même langage.

André Téchiné – même lorsqu’il n’est pas au mieux de sa forme – est encore un metteur en scène de génie. Il parvient à faire vibrer avec des histoires banales. Il offre ici un aspect de Tanger qui n’a rien à voir avec les Mille et Une Nuits ; ici on est dans le monde des bâtiments en construction, de la nuit dans les casinos, dans les rues où la police arrête les gens de manière musclée ; la Tanger de son film est un lieu peu sophistiqué où les émigrés africains regardent les côtés de l’Espagne par temps clair. C’est un endroit où une jeune femme ne veut pas parler à un homme en rue, par peur de perdre sa réputation.

La publicité de ce film parlait de l’événement de la reconstitution du couple Depardieu-Deneuve. On n’est pas ici dans le « Dernier Metro », ce film n’en constituant nullement une suite, mais bon les critiques aiment bien brodé, c’est connu. Les deux acteurs sont émouvants, l’un dans le rôle de cet homme tendre et maladroit, qui est celui dans le film qui exprime le plus ses sentiments. L’autre est parfaite en une femme un peu amère, qui s’est repliée sur elle-même et son métier, habituée à tout contrôler dans sa vie et celle des autres ; se laissera-t-elle attendrir par cet amour dont elle ne veut plus au départ ? Sait-elle encore aimer, elle qui a pris l’habitude des infidélités de son époux, dont le fils est loin et lui manque ? Depardieu est loin de son rôle de salaud de 36 Quai des Orfèvres et Catherine Deneuve est loin de la « femme la plus chic de Paris » dans ce film, mais tous les deux sont épatants.

Chaque acteur est parfait dans son rôle, surtout Lubna Azabal dans le rôle des jumelles Nadia et Aïcha ; Gilbert Melki est Nathan, le mari souvent exaspéré qui rêve de partir à Casablanca où un meilleur poste de médecin l’attend, sachant que cela signifie la rupture d’avec sa compagne. Malik Zidi est avec retenue Sami, le fils aux sentiments ambigus et à la vie ambivalente.

Téchine apporte ici un joli morceau de la comédie humaine, avec des personnages à l’émotion à fleur de peau.


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