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Kinsey, de Bill Condon

Biographie (une de plus) consacrée au Professeur Alfred Kinsey (surnommé « Prok » par ses élèves), un homme qui entreprit d’étudier et dévoiler le comportement sexuel des Américains, afin – du moins l’espérait-il – d’améliorer la vie sexuelle de ses concitoyens. Il mettra autant de persévérance et d’acharnement à réaliser cette enquête-là que...

... d’étudier le comportement des guêpes parasites. Plutôt maniaque, il exigea une rigueur dans le questionnement de ses proches collaborateurs, Martin, Gebhard et Pomeroy. Lorsque parut son premier livre « Sexual Behavior in the Human Male, on peut aisément imaginer le tollé provoqué.



Alfred Kinsey venait d’un milieu protestant terriblement rigoriste ; son père était un homme méprisant pour le reste de l’humanité, pour tout progrès technique et pour sa propre famille. Fatigué de cette étroitesse d’esprit, Kinsey étudia la zoologie à Harvard et plus tard fut engagé par l’Université d’Indiana afin d’enseigner la biologie ; il y rencontra Clara MacMillen, une étudiante libre-penseur, pleine d’humour et sportive comme lui. « Mac » sera sa compagne de toute une vie et le soutiendra à travers succès et épreuves lorsqu’on lui coupera les subsides pour raison de soi-disant pornographie, notamment lorsque Kinsey décidera de s’attaquer la sexualité féminine.




Aucun cours ne donnait en effet des réponses intelligentes sur les relations sexuelles dans les années 40-50, le seul cours qui abordait le sujet très vaguement était le cours de biologie, le professeur Kinsey décida donc contre vents et marées de tenter de faire comprendre à ces coincés de puritains qu’une sexualité bien comprise, bien vécue, était à la base de toute vie épanouie. Il mit au point une méthode et des questions afin d’aider les personnes interrogées à ne pas se sentir honteuses ou coupables, à leur permettre de vaincre leurs craintes et à parler librement de leur sexualité ; l’effet du livre fut comparé à celui de la bombe atomique.



L’Amérique étant entrée dans la guerre froide, époque pleine de paranoïa, le rapport Kinsey consacré à la sexualité féminine fut considéré comme une attaque personnelle des « pures valeurs américaines », ce qui mena les bienfaiteurs à supprimer les subsides. Par ailleurs, sur le plan personnel, Kinsey ayant tenté de créer une société sexuellement libérée, les relations parmi les membres de son équipe de chercheurs devinrent assez tendues ; l’utopie risqua la destruction et d’autre part, les mit dangereusement dans le colimateur des bien-pensants.




Sexe, homosexualité féminine, masculine, on en parle tellement librement de nos jours qu’on ne pense même pas qu’il y a 50 ans cela pouvait cela pouvait provoquer un tel tollé.




Bill Condon (avec un nom pareil, il était quasi prédestiné à réaliser ce film !) retrace scrupuleusement la vie de ce chercheur militant, sans être jamais vulgaire ce qui n’était pas aisé dans un film ne parlant que de sexe. Il y a pas mal d’humour aussi et comme derrière tout grand homme, on trouve une femme forte et intelligente, le réalisateur n’a pas minimisé le rôle de Clara « Mac »Millen-Kinsey.




C’est l’excellent Liam Neeson qui porte avec Laura Linley le film sur ses épaules ; ils font tous deux magistralement passer à l’écran le caractère complexe, parfois difficile pour sa famille, de ce chercheur infatigable. Les personnages secondaires sont également fort bien interprétés, notamment le père d’Alfred Kinsey, interprété par John Litghow. On retrouve Tim Curry, une fois de plus dans le rôle de l’antipathique de service, ainsi qu’Oliver Platt, le recteur prêt à donner sa chance à Kinsey mais obligé de se plier aux rigueurs du conseil d’administration de la Fondation.




Le film montre également fort bien les tempêtes déchaînées par le rapport de Kinsey qui pourtant ouvrit la voie à la libération sexuelle des années soixante ; je pense qu’à la question « L’Amérique actuelle est-elle aussi puritaine que dans les années 50 ?», on peut désormais répondre sans exagérer que l’on y retourne très certainement vu ce qui sont au pouvoir. Bravo à Bill Condon d’avoir osé donner ce petit coup de pied dans la fourmillière de l’ordre moral et aux tabous.


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