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Crimes & Misdemeanors, de Woody Allen

Un ophtalmologue en vue, pilier de la société new-yorkaise, a décidé de mettre fin à sa relation hors mariage mais sa maîtresse ne l’entend pas de cette oreille, elle menace de tout dévoiler à l’épouse légitime et commence une véritable campagne de harcèlement téléphonique. Ne sachant plus à quel saint se vouer, Judah se tourne vers son frère, un...

... homme aux relations peu reluisantes et qui lui propose de régler cette affaire à sa façon. Judah dans un premier temps refuse, mais sa maîtresse s’accroche et la situation devenant intolérable, il finit par faire taire ses scrupules.



Ailleurs dans New York, Cliff, un cinéaste intègre et donc sans succès, se voit confier un travail documentaire sur son beau-frère qu’il déteste franchement, l’homme – producteur de télévision célèbre et richissime - est suffisant et vulgaire, coureur de jupons, se moque systématiquement de lui. Sur le set du tournage il rencontre une charmante productrice dont il tombe amoureux fou et qu’il espère conquérir d’autant plus qu’il est au bord du divorce. Il va hélas se la faire souffler par l’insupportable bonhomme.



On suit donc ces deux histoires en parallèle, l’une traitée sur le mode intensément dramatique, l’autre plutôt en tragi-comédie, c’est seulement à la fin du film que les protagonistes, un bref instant, se rencontrent et discutent d’un hypothétique sujet pour un scénario de film noir.



Les professions respectives des deux anti-héros sont placées sous le thème du « regard » : celui du cinéaste et celui de la religion. Et pourtant c’est le gentil qui sera puni et le méchant qui retournera à sa vie d’avant, n’ayant plus aucun scrupule face au meurtre odieux qu’il a fait commettre au nom de sa tranquillité et de sa réputation.



Seize ans séparent « Match Point » et « Crimes & Misdemeanors », cependant les deux films ont un point commun, celui du crime impuni. Tout comme d’ailleurs ce même « Crimes & Misdemeanors » a un point commun avec « Melinda & Melinda », à savoir celui d’un même sujet traité sur le mode de la tragédie et celui de la comédie.



En tout cas, malgré ces points communs, ce film-ci, fort sombre, aux accents à la fois bergmaniens et dostoïevskiens (Ingmar Bergman et Dostoïeveski sont des modèles pour Woody Allen) mérite d’être découvert ou redécouvert. L’auteur russe comme le metteur en scène suédois aiment les âmes torturées à la fois par leur religion et leur scrupules et Allen aime les situations complexes où les personnages passent la plupart de leur temps à se demander ce que la vie leur réserve. La jeunesse de l’ophtalmologue, ses scrupules lui venant de la religion enseignée par son rabbin de père, sont évoqués en flash-backs.



Comme toujours dans un film de Woody Allen, les acteurs sont multiples et excellents : Martin Landau est un Judah Rosenthal d’abord tourmenté, ensuite totalement cynique et sans remords. Sa maîtresse est interprétée par Angelica Huston, hystérique à souhait dans ce rôle assez court. Woody Allen s’est réservé le rôle de Clifford Stern, le cinéaste malchanceux et celle qui fait battre son cœur est interprétée par son épouse d’alors, Mia Farrow.



Autour d’eux gravitent encore Alan Alda, absolument formidable dans le rôle du beau-frère insupportable et Joanna Gleason, belle, froide et désagréable épouse du cinéaste.



Il semble qu’Allen ait laissé plusieurs questions en suspense dans son film, laissant au spectateur le choix des réponses. J’ai été enchantée de découvrir cette œuvre de Woody Allen que j’avais ratée à sa sortie. De l’humour noir, de l’humour acerbe à la Allen et du tragique à la Cassavetes, tout en un seul film.


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