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Il ne faut jurer de rien, d'Alfred de Musset

Sommé par son oncle de se marier sinon il lui coupera les vivres, Valentin lui pose une gageure : il séduira la jeune fille que Van Buck lui propose en se rendant incognito au château de la demoiselle ; là, il lui fera une cour effrénée ; si elle lui résiste, il l’épousera, sinon son oncle lui fichera définitivement la paix avec ces histoires de...

... mariage car Valentin a juré qu’il ne se mariera jamais ! Tope là !

La demoiselle en question est la jolie aristocrate, Cécile de Mantes, flanquée d’une mère plutôt écervelée.

Va commencer alors un amusant chassé-croisé où Valentin veut absolument prouver que la jeune fille est pareille aux autres, qu’il suffit qu’un homme lui murmure de belles paroles pour qu’elle cède, ce qui laisse à imaginer qu’une fois mariée, elle fera pareil et qu’il sera rapidement cocu. Oui, mais Cécile est bien plus fine mouche qu’il y paraît et petit à petit, notre célibataire endurci va sentir ses propres résistances s’écrouler petit à petit.

Non seulement le texte de Musset est charmant et poétique, mais la mise en scène de Pierrre Fox est résolument tournée vers la comédie, presque le vaudeville d’ailleurs.

L’univers de la pièce, fort bien interprétée par la troupe du Théâtre du Parc, est léger à souhait ; le titre s’inspire d’un proverbe qui fut un style théâtral s’étant développé dans les salons depuis le 17ème siècle.
Il est évident que notre Valentin est un des « alter ego » de l’auteur, celui qui pensait que toute femme n’est qu’infidélité et mensonge ! (sympa !)

Les comédiens sont excellents, parfaitement à l’aise dans leur rôle que ce soit Damien Gillard en Valentin, à qui Michel Poncelet donne magistralement la réplique en oncle débonnaire ; tous deux ont une complicité qui fait bien passer l’affection réelle de l’oncle et du neveu.
La tendre Cécile de Mantes est interprétée par Stéphanie Van Vyve ; quant à sa baronne de mère, c’est Marie-Hélène Remacle qui la représente, interprétant avec énormément d’humour cette baronne un peu sotte, traînant derrière elle son abbé de compagnie comme il était de bon ton pour les aristocrates d’avoir à demeure. Le rôle va comme un gant à Emmanuel Dekoninck.

Petit clin d’œil en passant, au rôle – trop court à mes yeux – du Maître à danser, censé donner de bonnes manières aux jeunes aristocrates et qui à fort à faire avec la rebelle Cécile. Le rôle est joué par Antoine Guillaume, comédien et chorégraphe, que j’ai déjà eu le plaisir de découvrir plusieurs fois au Théâtre de la Toison d’Or, où il est à chaque fois excellent.

Les décors et costumes sont de Jean-Marie Fievez ; c’est surtout le tout premier tableau qui m’a plu ; on a l’impression que le décorateur s’est inspiré des tableaux des Pré-Raphaélites de Dante Gabriel Rossetti. Après les décors redeviennent plus conventionnels.

A propos d’Alfred de Musset :

On célèbre cette année le centième anniversaire de la mort du poète-académicien, mort à 47 ans après avoir brûlé la chandelle par tous les bouts.

Il naquit à Paris, tout près du quartier Latin en décembre 1810, au sein d’une famille cultivée et aimante. Son père eut à cœur de communiquer à son fils le culte de Rousseau ; c’était un homme respecté et affectueux, sa mère était une femme aimante. Le foyer était uni et gai et les bouleversements politiques de l’époque ne semblent pas avoir entamé l’aisance de la famille.
J’ai l’impression que dans le portait du débonnaire et affectueux Van Buck il y a un peu de ce père-là.

C’est par Paul Foucher, son camarade de lycée et beau-frère de Victor Hugo, que Musset sera introduit dans le cénacle des artistes et écrivains groupé autour du « Maître ».

Pressé de choisir un métier, Alfred de Musset hésitait : ses dons étant multipes, il se fait d’abord étudiant en droit, ensuite en médecine. De plus, il a un très joli coup de crayon et prise fort la musique. Mais finalement c’est la poésie qui est sa vraie vocation. Ses premiers essais sont des petits poèmes à la mode des années 1826-28, pleins de couleur historique, de mystère, de macabre, de couleur locale, mais aussi des madrigaux d’un style classique. Le style est aisé, élégant, la forme est souple ; aucune gaucherie de débutant ne s’y trouve.

Ses amis ne sont pas gens de lettres ; bien sûr on le voit régulièrement aux soirées où Nodier reçoit la jeunesse romantique, mais notre dandy n’y fait que des excursions ; ses vrais amis sont des jeunes gens cultivés, élégants, romantiques, menant joyeuse vie. Auprès d’eux et sous leur influence notre jeune poète parisien ne célèbre pas vraiment une muse chaste.

Dans la pièce « La coupe », le jeune héros représente l’autre volet de la personnalité de Musset, son côté romantique, celui qui est dégoûté de la débauche, qui aspire vaguement à un bonheur simple, mais qui pense qu’il est trop tard, qu’un amour pur ne peut plus refleurir dans un cœur débauché.

Bien sûr, on ne peut parler de Musset sans évoquer George Sand, qu’il rencontra en 1833 et qui est déjà célèbre pour ses romans, mais en laquelle il trouve aussi une femme à la beauté accentuée, à l’intelligence forte et active. George est pleine de vie, de gaieté, de fantaisie, ses manières sont libres, elle est donc bien faite pour attirer l’homme de plaisir et l’artiste ; Musset crut trouver en elle la femme qui méritait le grand amour, qui l’arracherait à la vie de plaisir dans laquelle il plongeait par désespoir. Lorsqu’il découvrit la liaison avec le médecin italien Pagello, Mussset souffrit beaucoup. Après quelques reprises d’amours traversées d’orages, les deux amants se quitteront définitivement en 1835.

On a beaucoup exagéré l’influence de cette liaison dans la vie et l’œuvre de Musset ; il restera après leur aventure tel qu’il fut auparavant : chercheur d’amour, débauché pour se consoler de son impuissance d’aimer profondément.

Poésies lyriques, roman autobiographique, pièces de théâtre constituent une grande partie de l’œuvre d’Alfred de Musset, mais ne sont pas TOUTE son œuvre. Il faut y ajouter des « Nouvelles et Contes » au nombre de douze. Il a également écrit des articles consacrés à des questions d’art et de littérature, réunis sous le titre « Mélange de littérature et de critique ». Musset s’y révèle d’une intelligence fine, d’une rare indépendance de jugement, d’un goût très sûr.

Alfred de Musset fut élu à l’Académie Française le 2 février 1852. Il mourut cinq ans plus tard, en mai 1857.

La brève biographie d'Alfred de Musset est adaptée de celle figurant au programme édité par le Théâtre Royal du Parc à l'occasion de ce spectacle.


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