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Marie Antoinette, de Sofia Coppola

Pour qui souhaite voir un docu-drame sur la Révolution française et la dernière reine des Français, je ne conseille pas d’aller voir le film de Sofia Coppola. Par contre, pour qui souhaite voir une version très personnelle sur la vie d’une très jeune fille devenant reine sans y être correctement préparée, il faut aller voir le film de Sofia...

... Coppola.



Les humains ont cette détestable manie de flanquer des étiquettes sur les gens et ce depuis tous temps. Les rois et les reines n’ont pas échappé à cette habitude : Isabelle, épouse du roi Edward II d’Angleterre était la « louve de France », Eléonore de Provence fut « la cupide », et à la cour de France, les courtisans appelèrent la jeune princesse Marie Antoinette d’Autriche, l’Autrichienne. Le peuple ajouta à cela Madame Deficit, la « boulangère », etc. ; ça c’est pour les révolutionnaires, ceux d’en face l’appelèrent la « reine martyre » !



Marie Antoinette d’Autriche ne fut élevée que dans le but de servir les projets de sa mère l’impératrice Marie Thérèse, femme autoritaire s’il en fût. La jeune princesse ne reçut qu’une piètre éducation, il lui fut surtout demandé d’être jolie et de faire plaisir. C’est donc dans cet état d’esprit qu’elle arriva en France, persuadée que chacun l’aimerait et décidée de plaire à tous. C’était compter sans la méchanceté habituelle des courtisans et même des tantes du futur Louis XVI. Jeune épouse délaissée, humiliée de ne pas donner d’héritier à la couronne, une pression que sa mère lui mettait dessus sans arrêt, influençable, elle fit ce que font souvent les femmes malheureuses, elle se mit à dépenser et à gaspiller des fortunes au jeu, à s’étourdir de fêtes et de champagne, à acheter sans compter, sans réfléchir, surtout sans réfléchir ! Et ce malgré les avis de certains conseillers. Son amitié amoureuse pour le comte de Fersen n’aida certainement pas non plus à améliorer sa réputation. Sans cesse obligée d’être en représentation, elle en eut finalement assez et montra au monde l’image qu’il en a gardé, celle d’une femme frivole et peu intelligente.



Le film de Sofia Coppola traite une nouvelle fois – comme dans les « Virgin Suicides » - des difficultés de l’adolescence dans un monde qui leur paraît hostile. Pour accentuer cette tristesse, elle montre très souvent la jeune princesse, ensuite la jeune reine, déambulant dans les immenses couloirs de Versailles ou pleurant dans la solitude de son boudoir.







Lorsque la reine s’étourdit de vins, de fêtes, de toilettes et bijoux, la musique suit le rythme, rendant l’effet encore plus fort. J’ai personnellement trouvé que c’était une idée excellente, cette musique moderne pour accentuer le côté frivole, à côté des musiques d’époque plus douces et modérées.



La réalisatrice observe avec acuité ce monde de cour, où chacun observe l’autre sans aucune aménité, où chacun est prêt à écraser celui qui est déjà tombé. Les gens de cour sont montrés avec aussi peu de complaisance que celle qu’ils ne témoignent pas à leurs contemporains.



Le film a été tourné uniquement à Versailles et au Petit Trianon, Paris est mentionné mais jamais montré ; cela ajoute à l’effet d’éloignement, d’isolement vis-à-vis du peuple.

Des critiques et des historiens ont reproché à la réalisatrice d’avoir bâclé la révolution en quelques minutes seulement. Pour Sofia Coppola, ce n’était pas le but du film, elle a plutôt réalisé un film sur la solitude d’une reine, plutôt que sur l’histoire de France. Cela ajoutera sans doute de l’eau au moulin d’Alain Delon qui a refusé d’interpréter le rôle de Louis XV sous prétexte qu’il serait obligé de parler anglais.

Dans « Lost in Translation » elle avait déjà abordé le sujet de la solitude d’un être dans un pays étranger, confronté à une langue difficile pour lui.



Le « Marie Antoinette » de Sofia Coppola ne reçoit qu’un accueil très tiède à Cannes, c’est fort dommage. Versailles et ses décors sont superbement filmés, les toilettes sont magnifiques, même celles qui ressemblent à des dragées. J’aime beaucoup cet aspect kitsch du film d’ailleurs.



Quant à l’interprétation, je mentionne surtout Kirsten Dunn qui interprète la reine avec talent, avec exactement la mélancolie et la tristesse que Coppola souhaitait qu’elle montre, avec aussi la gaîté et l’enthousiasme que la jeune princesse exprimait au grand dam de la cour guindée qui l’entourait.

Aurore Clément, qui fait quelques apparitions en princesse âgée et totalement absorbée par ses prérogatives du rang, est très bonne aussi, ainsi que Judy Davis en Comtesse de Noailles, chargée de l’étiquette. Par contre, j’ai trouvé Jason Schwartzman peu convaincant en Louis XVI. Beaucoup d’autres acteurs entourent le couple, tel Rip Torn, Asia Argento et Steve Coogan. Je n'ai par contre absolument pas reconnu Marianne Faithfull dans le rôle de Marie Thérèse d'Autriche.



Le scenario est basé sur le livre d’Antonia Fraser, historienne anglaise, ayant eu envie d’en savoir plus sur Marie Antoinette et de décrire le chemin de Vienne à Paris, sans prendre position sur ce que l’histoire a retenu de cette jeune femme, finalement femme de son temps où il n’était guère demandé aux filles de réfléchir mais seulement de plaire et d’être de bonnes pondeuses !

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