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Merchant of Venice, de Michael Radford

Au 16ème siècle, les hommes de la communauté juive sont obligés de porter un chapeau rouge lorsqu’ils sortent du ghetto ; le soir, défense d’être dehors lorsque le soleil se couche et les portes sont gardées par de « vrais bons chrétiens » ! Ceux-ci peuvent faire ce qu’ils veulent aux Juifs, tout acte contre eux est un bienfait aux yeux de...

... l’église.
Dans cette communauté, l’usurier Shylock considère le prospère marchand Antonio comme un ami, mais ce dernier lui crache au visage, le méprise, lui tourne le dos, actes que Shylock n’oubliera pas.
Le mépris d’Antonio n’est pas le seul malheur auquel Shylock est confronté, sa fille unique, la douce Jessica, aime Lorenzo, un chrétien qui l’aime également et elle décide de fuir avec lui, acceptant de se convertir au catholicisme et renier sa communauté et son père, un père pour lequel elle n’a guère d’affection.

Quelque part sur une île au large, la jeune et jolie Portia se morfond car son père défunt a proposé une bizarre « loterie » afin de la marier ; à aucun moment la jeune fille ne peut décider elle-même de son destin, le sort seul en décidera !

L’ami et protégé d’Antonio, le prodigue (et donc pauvre) Bassanio aimerait courtiser la jolie Portia mais il ne peut prétendre à cela, étant aussi désargenté ; il demande donc à son ami le marchand de lui prêter les 3000 ducats nécessaires. Tout son avoir étant en mer sur ses bateaux, Antonio demande à Shylock de lui prêter l’argent. Ceci sera accepté mais au lieu d’exiger le remboursement en espèces sonnantes et trébuchantes, le Juif exige une livre de la chair d’Antonio si au jour et à l’heure dite, l’argent ne lui est pas remboursé. Hélas la malchance poursuit le marchand dont les bateaux périssent corps et bien et l’heure du remboursement arrive alors que Bassanio se réjouit chez Portia. Il a effectivement réussi là où tous les autres ont échoué ; le bonheur de son ami Gratiano est complet également puisqu’il peut prétendre à la main de la suivante, Nerissa.

Pour être remboursé, pour que « justice » lui soit rendue, Shylock s’est adressé au Doge de Venise en personne ; il n’a pas compris qu’il va construire son propre malheur, il a oublié qu’il n’y a jamais eu de justice pour les Juifs.




Y eut-il jamais portrait plus déplaisant, plus antisémite de la part d’un auteur que celui du juif Shylock, artisan de son propre malheur, qui pour avoir voulu aller au bout de sa haine et de sa vengeance, finira rejeté et méprisé de tous y compris de sa propre communauté, puni par cette vengeance même qu’il désirait tant voir s’accomplir au nom de la justice, de sa justice dans ce qui deviendra rapidement une moquerie de procès.

Quelle haine du juif William Shakespeare a mis dans ce portrait, et de malgré la diatribe de Shylock à propos des Juifs. J’avais pourtant déjà lu « the Merchant of Venice », mais l’avoir vu en images m’a littéralement coupé le souffle et pas seulement à cause de l’interprétation absolument magistrale d’Al Pacino mais aussi par le contenu de la pièce. Shakespeare qui n’était pourtant pas connu pour son respect de la vérité historique (voir ce qu’il a fait du roi Richard III) a pour une fois rendu un portrait vivace de la société vénitienne du seizième siècle, où les Juifs étaient méprisés et considérés comme le rebut de la société. « The Merchant of Venice » est une pièce raciste sur le racisme, je pense que c’est la raison pour laquelle depuis les années 20, elle n’a plus été produite au cinéma, mais seulement à la télévision.

Inutile de le cacher, je suis allée voir ce film parce qu'il est interprété par le seul, l'unique, l'incomparable AL PACINO qui livre ici dans le rôle de Shylock l'une des plus belles performances de sa longue et excellente carrière d'acteur. C'est du grand art, jamais le juif de Shakespeare ne fut mieux interprété, mieux défendu!
L’acteur ne cache d’ailleurs pas son admiration pour le théâtre du grand « barde » et avait déjà interprété une version très personnelle de « Richard III » film dans lequel il mélangeait théâtre et documentaire sur le théâtre. Les autres acteurs sont également excellents, mais Pacino vole la vedette à tous et toutes.

Parmi ces acteurs, il faut cependant mentionner la très jolie Lynn Collins en Portia ; ses apparitions font songer aux tableaux de Botticelli. Elle interprète à merveille la fûtée jeune femme par qui le malheur de Shylock arrivera. Parmi les autres interprètes, on retrouve Joseph Fiennes aussi bon que dans « Shakespeare in Love » ou « Elizabeth » ; il y a encore Jeremy Irons, désagréable et sombre à souhait dans le rôle d’Antonio, le marchand malheureux en affaire.

Aller voir du Shakespeare, que ce soit au théâtre ou au cinéma, c'est savoir que l'on s'expose à quelques longueurs et pourtant les scénaristes "sabrent" régulièrement dans ses textes (sinon on se retrouve avec des films de six heures comme l'une des versions d'HAMLET de KENNETH BRANNAGH). Malgré certaines longueurs, "Le Marchand de Venise" est du grand art, non seulement pour le jeu des acteurs, mais aussi pour les décors, les costumes et la musique.

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